Les 3 tombes inviolées de Saqqarah…
Une des plus belles découvertes depuis trente ans en Egypte. L'équipe française de l'archéologue Christiane Ziegler a mis au jour un trésor funéraire intact.
A la lueur des lampes torches, à dix mètres sous terre, tenant à peine debout dans l'étroite chambre funéraire, les égyptologues sont médusés : ils viennent de découvrir une magnifique momie dorée. Son regard, d'une incroyable clarté, les interpelle. La surprise est totale car, depuis de nombreuses années, ils se sont habitués à ne trouver que des tombeaux pillés.
Là, l'enveloppe en papyrus aggloméré est enrichie d'un placage de feuille d'or. Son état de conservation est parfait.
«C'était de la jubilation pure. Nous n'avions jamais vu ça», insiste l'archéologue. Sur la partie supérieure du cartonnage, enserrant le plastron qui enveloppe le défunt, une représentation de la déesse Nout, divinité du Ciel, étend majestueusement ses longs bras ailés.
«Le décor comportait aussi de petites rosettes dorées, à l'instar de celles ornant le linceul de Toutankhamon», poursuit l'égyptologue.
Mais les inhumations de cette «demeure d'éternité» sont d'une époque bien plus récente. Même s'il est magnifique, le tombeau retrouvé au coeur de ce qui fut un jour la nécropole de Memphis, la capitale de l'Ancien Empire (2635-2561 avant J.-C), date en fait de la Basse Epoque et des périodes perses et grecque (656 à 30 avant J.-C.). et n'a que peu à voir avec l'hypogée du célèbre pharaon de la Vallée des Rois (1345-1327 avant J.-C).
«Si ce n'est, toutes proportions gardées, l'accumulation d'objets que nous y avons mis au jour. En trente années d'Egypte, je voyais ça pour la première fois !»
La chambre mortuaire regorge en effet d'objets superbement décorés :
jusqu'au plafond s'amoncellent des sarcophages, des momies, des cartonnages stuqués, dorés et peints, du mobilier funéraire aux coloris d'une fraîcheur extraordinaire... Il y en a partout.
En ce printemps 2007, l'équipe que dirige Christiane Ziegler ne sait d'ailleurs plus où donner de la tête. C'est l'avant-dernier jour de la campagne de fouilles et les archéologues en sont à leur troisième tombe inviolée !
Ce que l'archéologue a révélé après un an de silence, lors du dernier congres international d Egyptologie qui s'est tenu à Rhodes, en Grèce, au mois de mai.
Depuis 1991, Christiane Ziegler est à l'oeuvre sur un chantier situé au pied du célèbre monument à degrés du roi Djoser (2625-2611 avant J.-C, IIIe dynastie), la plus ancienne pyramide d'Egypte.
Connue du grand public depuis la diffusion de deux documentaires à succès sur France 3 (1), elle n'en est pas à sa première découverte. C'est en effet déjà à Saqqarah qu'elle a exhumé en 1997 le mastaba (tombeau) du courtisan et prêtre royal Akhethétep (2453-2420 avant J.-C, Ve dynastie).
Cet imposant complexe funéraire en calcaire blanc de 32 mètres de long enveloppait l'une des oeuvres majeures conservée au département des Antiquités égyptiennes à Paris : la célèbre «chapelle du Louvre» . «C'est d'ailleurs en recherchant les arasements de cet édifice que j'ai fait beaucoup d'autres découvertes passionnantes», explique la scientifique.
Même si la zone de fouilles sur laquelle travaille l'équipe française financée par la mission Recherche et technologie du ministère de la Culture ne concerne qu'une infime partie de la nécropole memphite (8 kilomètres de long et 1,5 de large), les trouvailles se sont succédé.
Au pied du complexe funéraire du roi Djoser, dans la zone située au nord de la chaussée de la pyramide du souverain Ounas (2353-2323 avant J.-C), les fouilles du Louvre ont exhumé trois niveaux d'occupation couvrant trois mille ans de l'histoire du site sur près de 10 mètres d'épaisseur de sable.
Au plus profond, le mastaba d'Akhethétep, datant de l'Ancien Empire; puis, au niveau intermédiaire, des inhumations de la Basse Epoque; et quasi en surface, des vestiges plus récents dont ceux d'une ville copte datant de l'époque chrétienne (VII-IXe siècle). «Le tout était truffé d'une multitude de tombes éparses plus ou moins bien conservées, alternant avec des puits profonds», précise l'archéologue.
Défunts entassés...Comme plusieurs autres tombeaux précédemment découverts, l'accès aux caveaux funéraires mis au jour l'an dernier se fait par l'intermédiaire de ces conduits. Forés en carrés dans la structure d'anciens massifs de maçonnerie de l'Ancien Empire, ils sont construits en briques crues dans la partie supérieure, avant de s'enfoncer ensuite directement dans le rocher.
Il était possible de descendre le long de ces cheminées verticales atteignant parfois 25 mètres de profondeur grâce à de petites entailles semi-circulaires creusées de part et d'autre des parois. On pouvait ainsi installer le corps des défunts dans les chambres funéraires, après avoir fait glisser leurs sarcophages et l'ensemble du matériel funéraire à l'aide de câbles.
De nos jours, s'introduire dans ces puits n'est toujours pas exempt de difficultés. «Au début, pour descendre, nous attachions quatre échelles les unes à la suite des autres, mais c'était assez dangereux», concède Christiane Ziegler.
La plupart du temps, les puits sont obstrués. Comblés par des tonnes de sable. Au fur et à mesure des dégagements, les chercheurs y retrouvent des os d'animaux, des céramiques et, souvent, des centaines d'amulettes en faïence bleu turquoise, ou d'autres encore d'un beau vert pâle.
«Mais c'est ainsi que chemin faisant, le dégagement du mastaba d'Akhethétep et des tombeaux qui l'environnent nous a fait atteindre plusieurs chambres funéraires souterraines et, en 2007, ces trois beaux tombeaux de la Basse Epoque», explique l'archéologue.
«Au premier millénaire avant J.-C, les Egyptiens ont en fait réutilisé des sépultures creusées par les populations de l'Ancien Empire pour y loger leurs propres morts.»
Memphis est alors une ville très cosmopolite. On y croise toutes les civilisations de la Méditerranée comme l'indiquent des textes araméens et en syllabaire chypriote retrouvés dans les sables de ces niveaux. La densité de population y est fort importante.
Trouver une place dans la nécropole de Saqqarah se transforme en un authentique casse-tête. Les défunts sont entassés dans la moindre cavité rencontrée, l'intérieur de certains puits sert directement de sépulcre. Des dizaines de sarcophages y sont empilés verticalement, les uns collés aux autres.
Ces sarcophages sont la plupart du temps retrouvés brisés après des siècles de pillages et de fouilles clandestines. «Car si, à Saqqarah, les tombes sont le pain quotidien des archéologues, retrouver des sépultures inviolées demeure exceptionnel», reconnaît Christiane Ziegler.
Dans la dernière découverte, les massifs sarcophages en pierre calcaire sont encore intacts, avec leur couvercle scellé : des cercueils en bois peints aux délicats détails jouxtent de petits coffrets funéraires contenant des viscères momifiés enveloppés dans des tissus de lin (parfois des grains de céréales symbolisant la vie) : les paquets canopes.
Plusieurs statuettes à cornes de bélier figurant la divinité de la région memphite, Ptah-Sokar-Osiris protègent les défunts. Des momies encore toutes bandelettées portent des semelles joliment colorées, retenues par des rubans de lin.
«Malheureusement, pour l'instant aucun titre n'a été retrouvé et nous ne connaissons pas l'identité des personnes inhumées, ni même leur statut social», observe l'archéologue.
Ce qui est effectivement étrange, quand on sait l'importance qu'avait la conservation du patronyme pour les Egyptiens anciens. Une précaution supplémentaire prise dans leur volonté de survie par-delà la mort.
Remontées en surface l'an dernier pour être examinées aux rayons X, les momies ont ensuite été replacées dans leurs cercueils souterrains. «Ces chambres, découvertes intactes avec les objets en position originale, nous livrent des indications particulièrement importantes car, dans les collections des musées, trop d'objets ont été séparés de leurs contenus ou sont de provenance incertaine», assure Christiane Ziegler.
Seuls les fragiles coffrets polychromes et les statuettes funéraires ont été entreposés dans les réserves du Conseil supérieur des Antiquités égyptiennes.
L'égyptologue se donne trois ans pour procéder à l'étude de ces nouveaux trésors dont elle a pu dater certains des sarcophages de la XXVIe (700 à 525 avant J.-C.) et XXXe dynastie (378-341 avant J.-C), d'autres de l'occupation perse (525-398 avant J.-C).
«Jusqu'à ce que ces objets exceptionnels soient exposés au grand public dans une reconstitution qui permettrait de les voir tels que nous les avons découverts, je préfère laisser ces sarcophages et leurs momies là où elles ont été si bien protégées pendant 2500 ans...».
(1) Les Trésors enfouis de Saqqarah et Les Secrets du trésor de Saqqarah.
Akhethétep, déjà à l'honneur au Louvre ...
La chapelle funéraire d'Akhethétep, haut fonctionnaire vivant sous le règne du souverain Niouserré (2450 avant J.-C.) a été acquise par le musée du Louvre en mars 1903.
Extraite des sables du désert et démontée, elle a ensuite été expédiée à Paris par un successeur de l'égyptologue Auguste Mariette, Georges Bénédite.
Seul petit problème : à l'époque, aucun document n'avait localisé l'emplacement original du tombeau d'Akhethétep à Saqqarah. En 1991, lorsque Christiane Ziegler, alors conservatrice au musée du Louvre, est chargée de la publication du monument, elle décide de retourner en Egypte pour retrouver ce qui subsiste du mas taba, le bâtiment monumental qui contenait la fameuse chapelle.
Avec l'autorisation du Service des antiquités de l'Egypte, celle du musée du Louvre, et des crédits accordés par le ministère de la Culture, Christiane Ziegler et son équipe ont mis six ans pour retrouver le mastaba, en 1997. Et ses alentours se sont montrés riches en vestiges comme les tombes retrouvées l'an dernier.
Frédéric Wilner
Sciences et AvenirCela complète un peu le fantastique sujet :
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